Ce texte de Jean
Marc VIVENZA a aujourd'hui dix ans d'âge. Il n'a pas pris une
ride.
Pour
en finir avec la Troisième Voie !
Le
monde changé.
L'effondrement du bloc de l'Est, auquel nous venons d'assister, constitue
le fait le plus important depuis la dernière guerre mondiale.
En effet, ce qui s'est passé dans la seconde moitié de
l'année 1989 met fin à la configuration du monde telle
qu'elle s'était maintenue durant des décennies.
Les événements dans l'ex-bloc soviétique ont révélé
de plus en plus clairement l'énorme délabrement de l'économie,
dans tous les pays d'Europe de L'Est sans exception, et en URSS en particulier.
Au fur et à mesure que la réalité est mieux connue,
les derniers espoirs et toutes les théories sur une possibilité
d'amélioration de la situation volent en éclats. Les faits
parlent d'eux-mêmes ; il est impossible de relever l'économie
de ces pays ; leurs gouvernements, quelles qu'en soient les diverses
composantes, l'ancien appareil réformé avec ou sans participation
des anciennes " oppositions ", ou de " nouvelles "
formations politiques, sont totalement impuissants à maîtriser
la situation. C'est la plongée dans un chaos sans précédent
qui se confirme chaque jour d'avantage.
En quelques mois, l'URSS vient de perdre le bloc impérialiste
qu'elle dominait. Désormais il n'existe plus de " bloc de
l'Est ", il est parti en lambeaux en même temps que s'effondraient
comme des châteaux de cartes les régimes staliniens qui
dirigeaient les " démocraties populaires ". Désormais,
c'est toute la partie du monde jusqu'à présent dominée
par la seconde puissance mondiale qui est menacée. Et cela, en
Europe même, a quelques centaines de kilomètres des concentrations
industrielles les plus anciennes et importantes du monde.
La décomposition de ce bloc est constituée par la faillite
économique et politique totale, sous les coups de la crise, du
régime de sa puissance dominante et c'est dans cette dernière
qu'une telle faillite devrait nécessairement s'exprimer avec
le plus de brutalité.
C'est pour cette raison que l'effondrement du bloc impérialiste
de l'Est, non seulement constitue un bouleversement pour les pays de
cette zone et pour les constellations impérialistes telles qu'elles
étaient sorties de la seconde guerre mondiale, mais porte avec
lui une instabilité générale qui ne manquera pas
d'affecter tous les pays du monde, y compris les plus solides.
La forme stalinienne de l'Etat héritée, non de la révolution
d'octobre 1917, mais de la contre-révolution qui l'a tué
dans le sang, a sombré avec la ruine complète et la désorganisation
totale des formes de l'économie qu'elle a engendré dans
les ex-pays " socialistes ".
La configuration géopolitique sur laquelle a vécu le monde
depuis la seconde guerre mondiale est désormais complètement
remise en cause par les événements qui se sont déroulés.
Il n'existe plus aujourd'hui deux blocs impérialistes se partageant
la mainmise sur la planète. Le bloc de l'Est, c'est devenu une
évidence (y compris pour les secteurs de la bourgeoisie qui,
pendant des années avaient jeté des cris d'alarme contre
le danger présenté par " l'Empire du Mal " et
sa " formidable puissance militaire "), a cessé d'exister.
Un processus
irréversible.
Et ce n'est qu'un début, le chaos qui règne dès
à présent en URSS ne peut que s'aggraver car le régime
qui gouverne encore ce pays, de même que l'état de son
économie, n'offrent aucune perspective. La " Perestroïka",
c'est-à-dire la tentative d'adapter à petit pas un appareil
économique et politique paralysé face à l'aggravation
de la crise démontre chaque jour plus sa faillite. Le retour
à la situation passée, le rétablissement de la
centralisation complète de l'appareil économique et de
la terreur de la période stalinienne ou brejnévienne,
même s'il est tenté par un sursaut des secteurs "
conservateurs " de l'appareil, ne pourra rien résoudre.
Ces méthodes ont déjà fait faillite puisque la
perestroïka partait justement du constat de cette faillite. Depuis,
la situation n'a fait que s'aggraver sur tous ces plans à une
échelle considérable. La résistance encore très
forte d'un appareil bureaucratique qui voit s'écrouler sous ses
pieds les bases mêmes de son pouvoir et de ses privilèges
ne pourrait aboutir qu'à de nouveaux bains de sang sans permettre
pour autant de surmonter le chaos. Enfin, l'établissement de
formes plus classiques de la domination capitaliste -autonomie de gestion
des entreprises, introduction de critères de compétitivité
liés au marché- même s'il constitue de toutes façons
la seule " perspective ", ne peut dans l'immédiat,
qu'aggraver encore plus le chaos de l'économie. Le temps, pas
si lointain, où la puissance impérialiste de l'URSS faisait
trembler le monde appartient à un passé irrémédiablement
révolu. L'URSS n'a définitivement plus les moyens de sauvegarder
son rang de super puissance impérialiste mondiale. La question
qui se pose aujourd'hui, c'est celle de l'existence même de l'URSS.
Un concept
dépassé.
Tous ces éléments sont de nature à balayer radicalement
le concept de " Troisième Voie ". Surgit de l'analyse
de la situation du monde après Yalta, le concept de troisième
voie consistait en une théorisation de la possible et nécessaire
alternative entre le capitalisme libéral et le communisme soviétique.
Ces deux puissances se partageant leur pouvoir sur les nations, les
Etats et les peuples par effet de leur formidable force acquise des
suites de la seconde guerre mondiale. Une expression " Ni Trusts,
Ni Soviets ", synthétisait schématiquement le tercérisme
doctrine qui fut celle des partisans d'une Europe indépendante
des blocs, se développant sur la base d'un modèle spécifique
et original.
Mais il faut reconnaître aujourd'hui l'inanité totale d'une
pensée, remise radicalement en cause par la disparition du bloc
soviétique. Remise en cause car inadaptée à la
situation présente. De fait que peut bien signifier en réalité
la volonté d'établissement d'un modèle de développement
et d'existence se situant à égale distance du libéralisme
et du communisme, alors que l'un des deux paramètres s'est irréversiblement
écroulé, laissant absolue la domination mondiale du système
occidental.
Par suite, la fin du communisme doit de plus aboutir à la fin
parallèle de l'anti-communisme qui fut pendant de longues années
l'étendard préféré de toutes les droites.
Essayons à ce sujet de regarder les faits concrètement.
Durant des décennies de 20 à 40 % du revenu national de
l'URSS ont été consacrés à la production
d'armement et à l'entretien de " l'armée rouge ".
Cette priorité a été imposée au prix d'un
délabrement de tous les autres secteurs de l'économie.
Le retard technologique s'est de plus en plus accentué dans les
secteurs de pointe. Par ricochet, ce retard s'est concrétisé
par une supériorité technologique grandissante des armements
occidentaux, handicapant de plus en plus gravement la puissance militaire
de l'URSS. Là où les technologie manquait où les
machines étaient absentes, la sueur, la tête et les muscles
des prolétaires ont été exploités de manière
brutale. La guerre à laquelle elle s'était tant préparée,
l'URSS n'a pas pu finalement la mener. Non seulement ses armements étaient
surclassés, mais le rejet total du régime par la population
rendait impossible la mobilisation nécessaire à une telle
fuite en avant. Les ambitions impérialistes de l'URSS ont été
refoulées dans le monde des rêves sans lendemain.
On peut d'ailleurs compléter cet élément en considérant
l'évolution de ce qui reste des partis communistes des pays occidentaux.
L'effondrement du bloc de l'Est implique, à terme, la disparition
des partis, non seulement dans les pays où ils dirigeaient l'Etat
, mais aussi dans ceux où ils avaient pour fonction d'encadrer
la classe ouvrière. Soit ces partis se transformeront radicalement
-comme est en train de le faire le PC d'Italie- en abandonnant complètement
ce qui faisait leur spécificité (y compris leur nom),
soit ils seront réduits à l'état de petites sectes
(comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis et dans la plupart
des pays d'Europe du Nord). Ils pourront encore intéresser les
ethnologues, ou les archéologues, mais ne joueront plus aucun
rôle sérieux.
C'est donc à un renforcement, pour ne pas dire un triomphe total
du modèle occidental auquel nous assistons qui devient à
ce titre l'unique forme économique universelle.
Tout cela nous fonde à affirmer qu'il doit être abandonner
toute référence à la troisième position
puisqu'il n'existe objectivement aujourd'hui qu'un seul bloc dominant.
Il n'y a plus de tercérisme possible, nous sommes face à
u n choix bipolaire nettement défini. L'acceptation de la soumission
planétaire à l'économie de type capitaliste ou
l'engagement en rupture, s'il est possible. Il n'y a pas d'autre alternative.
La troisième voie n'est plus en marche, elle est morte !
Faute
de n(être plus qu'un vieux concept historiquement daté,
et à présent dépassé.
Il convient donc d'en tirer les conclusions qui s'imposent, et par conséquent,
redéfinir une nouvelle stratégie européenne en
prise sur la réalité du temps.
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